Logo Ain Géotechnique

Les tassements, ça fait peur

Lycée Xavier Bichat Nantua

En géotechnique et génie civil, on a souvent très peur des tassements absolus. Avec 2 cm de tassement absolu, ça passe. A 2,1 cm, c’est foutu. On a encore plus peur des tassements différentiels. Au-delà d’un différentiel 1/500, on passe les portes de l’enfer.

En gros, les tassements c’est Mal !

Pourtant, parfois on tombe sur des bâtiments certes un peu tordus, mais qui ont très bien encaissé des tassements pluricentimétriques, voire plus. Des fois ce n’est même pas visible à l’œil nu et c’est un relevé géomètre qui montre des tassements absolus et/ou différentiels de 20 cm. On accuse même le géomètre de s’être trompé. Mais non, il y a bien 20 cm de tassements différentiels. C’est du vécu.

On va donc parler du Lycée Xavier Bichat à Nantua (01).

Un premier Lycée a été construit du début des années 1960 sur le secteur du « bout du lac ». Géologiquement, c’est une vallée glaciaire en partie remplie par des dizaines de mètres de vase.

On savait que ces terrains étaient très mauvais. Le bâtiment de 130 m de long, de type R+1 à R+4 a donc été construit sur un gros radier. Dans les années qui ont suivi, des fissures sont apparues. Les soupçons se sont rapidement tournés vers un problème de sol. Mais les expertises ont révélé que, globalement, cela ne venait pas du sol. La structure était en bon état. Il s’agissait pour l’essentiel de fissures provoquées par des comportements différentiels d’éléments de construction hétérogènes, liés à un mixage mal maitrisé de matériaux anciens et modernes.

Mais dans le cadre de l’expertise, on s’est aussi aperçu que le lycée avait tassé. Beaucoup. Vraiment beaucoup. Environ 80 cm d’un côté et environ 100 cm de l’autre. Oui, 80 et 100. Pas 8 et 10, ce qui aurait été déjà pas mal.

Personne ne s’en était vraiment aperçu car il ne s’est pas enfoncé tout droit dans le sol comme un pied dans la neige fraiche. Il a fait tasser le sol tout autour de lui en créant une sorte de large dépression.

Le lycée est resté dans cet état jusqu’à la fin des années 1990. Puis il a été démoli pour laisser la place à un nouveau lycée construit au début des années 2000.

Les terrains ne s’étant pas améliorés en 40 ans, la conception du nouveau lycée a pris en compte cette contrainte. Le nouveau lycée est donc seulement de type R+1 pour être plus léger et construit sur de gros radiers caisson pour équilibrer un peu les masses. On pourra aussi presque dire qu’il flotte sur la vase. Le lycée étant constitué de plusieurs ailes formant une sorte de H déformé, des joints de fractionnement ont été prévus. Tout ça, ça a bien marché.

A l’intérieur, ça se passe plutôt bien entre les ailes du fait de la présence des joints de fractionnement. On ne retrouve pas des tassements de 80 cm, mais on constate quand même des petites marches de plusieurs centimètres à 10 cm et qui nécessitent la mise en place de plaques en tôle pour permettre le passage.

L’autre contrainte a été de surélever un peu l’ensemble pour mettre le lycée au dessus de la cote d’inondation du lac. Pour limiter les surcharges, les cours sont donc constituées de remblais « légers » en pneus. Ca, ça a moins bien marché.

Comme le bâtiment (sur radier caisson) s’est relativement peu enfoncé par rapport aux cours, on peut constater quelques « légers » tassements différentiels inesthétiques et pas très pratiques.

C’est impressionnant, mais force est de constater que globalement ça fonctionne plutôt bien.

Tout ça pour dire que, oui, les tassements absolus et différentiels sont autant que possible à éviter. Mais, même lorsqu’ils sont importants, ils ne sont pas forcément préjudiciables et peuvent être pris en compte dans la conception des ouvrages. Il faut un peu arrêter de se faire peur quand sur un calcul on passe de 2,0 cm à 2,1 cm, surtout quand on connait toutes les incertitudes sur les mesures et les calculs géotechniques.

Vous allez me dire « bon, ok faut pas avoir trop peur des tassements, mais maintenant on fait quoi avec ces cours affaissées ». C’est la question qu’a posé la Région Auvergne-Rhône-Alpes à Ain Géotechnique. La réponse a été : « Comme on ne peut pas empêcher ces tassements, on va faire avec. »

Nous avons donc proposé de rénover les cours de sorte qu’elles soient résilientes vis à vis des tassements et économiques à entretenir. Nous envisageons de :

  • supprimer le plus possible les enrobés et les pavés qui marquent fortement les effets des affaissements à la jonction avec les bâtiments,
  • réaliser le plus de possible de zones en espaces verts, en jardins de pluie, en structures alvéolaires et graviers, ce qui permettra un rechargement facile en terre ou en graviers,
  • mettre en place des plaques en inox au niveau des accès pour accompagner les tassements et assurer le passage, notamment pour la circulation PMR, entre les portes et les cours.

Ces travaux permettront également de désimperméabiliser et revégétaliser les cours dans un but de résilience face au changement climatique.

Petit jeu de fin d’article :

Qui aurait été pour construire le nouveau lycée sur pieux ? Attention, il y a au moins 30 m de vase.

bureau-etudes-ain
Découvrir d'autres actualités Tous les articles